Josephine Baker
Hommage à une grande Dame
Le château, labellisé « Maison des Illustres » en 2012 se veut avant tout un lieu rendant hommage à l’une des plus exceptionnelles femmes du XXe siècle. Il est aussi incroyablement habité par l’âme de l’artiste.
Joséphine Baker est née le 3 juin 1906 à Saint Louis dans le Missouri, elle était Américaine.
Son enfance douloureuse dans une ville marquée par les ségrégations raciales sera le départ d’un combat permanent pour la vie. Elle lutte contre le racisme, pour la liberté, pour la France, pour l’égalité, pour l’amour, pour ses enfants ! Combien de combats ?
Petite fille souriante et gaie, elle n’aura de cesse de réaliser ses rêves et de tenter de réaliser ceux des autres.
Un douloureux héritage
Joséphine vit misérablement avec sa mère, son frère et ses deux sœurs. Très tôt, sa mère la place dans une famille de « blancs » afin qu’elle travaille pour ramener de l’argent. Ces périodes de grande pauvreté vont considérablement renforcer le caractère de la petite « Tumpie » qui cherchera rapidement à quitter le nid familial.
Passionnée par la danse, elle organise et imagine des spectacles pour ses amis.
Son caractère bien trempé la conduit très vite sur scène. En effet, habilleuse au départ dans la troupe du Booker Washington Theater, elle remplace un jour une danseuse malade et c’est le début d’une grande aventure artistique. A l’âge de 14 ans, elle gagne son premier cachet au théâtre de Saint Louis.
Talentueuse
De 14 à 18 ans, elle multiplie les aventures artistiques et voyage entre Chicago et New York.
C’est à New York qu’elle sera repérée comme tous ses amis de la troupe pour une grande Revue à Paris ! Ils embarquent peu rassurés pour la capitale française en 1925.
L'arrivée à paris
Joséphine après plus d’une centaine de représentations en France et à l’étranger casse son contrat et accepte de signer pour la première fois avec le théâtre des Folies Bergère pour une Revue où elle joue un des premiers rôles. Dans « La Folie du Jour », elle porte plumes roses et ceinture de bananes ! Une ceinture que vous pouvez admirer au château (un des modèles de l’époque).
L’année 1930 consacre Joséphine comme chanteuse.
Désireuse de devenir autre chose qu’une simple danseuse, elle conquiert le tout Paris avec sa fameuse chanson « J’ai deux amours » ; le succès est considérable et l’argent coule à flots. C’est à cette période qu’elle commence à faire preuve d’une grande générosité (don à des œuvres caritatives, aux Hôpitaux de Paris, aux écoles, aux enfants notamment).
Elle ouvre un cabaret « Chez Joséphine » et continue à signer de fabuleux contrats avec le Casino de Paris et les Folies bergère.
La célibataire la plus convoitée de France trouve son prince charmant : elle épouse Jean Lion, un industriel Français d’origine Juive qui lui donne la nationalité française en 1938.
Mariage éphémère, couple sans avenir même si Joséphine permettra à son mari et la famille de celui-ci de fuir aux Etats-Unis au début de la guerre, elle le sauva des camps de la mort !
La résistante et militante anti-raciste
Elle prendra une part active dans la résistance. Citoyenne Française depuis son mariage avec Jean Lion en 1937, Joséphine est recrutée dès 1939 par le 2ème Bureau des Forces Françaises Libres.
Elle servira de couverture au capitaine Abtey (chef du contre espionnage militaire à Paris) grâce à sa renommée internationale lui permettant de circuler librement et ainsi d’aider des réfugiés à quitter le pays. Au cours de soirées officielles, elle devenait agent de renseignements et ses partitions de musique permettaient aussi la transmission de messages codés. Envoyée en mission au Maroc, elle chantera bénévolement devant les troupes françaises et alliées stationnées en Afrique du Nord malgré de graves problèmes de santé.
Dévouée à la France, Joséphine déclare : « C’est la France qui m’a faite. Je suis prête à lui donner aujourd’hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez ».
A plusieurs reprises, Joséphine Baker lutta pour la France libre au péril de sa vie !
Ce n’est qu’en 1961 qu’elle reçut des mains du Général Valin la médaille de la Légion d’honneur au Château des Milandes.
Joséphine fut de tous les combats et utilise sa notoriété pour lutter contre le racisme qui reste omniprésent à la fin de la guerre.
Pour elle, il existait une seule race : la « race humaine ».
Se sentant investie d’une mission raciale, elle crée son « Village du Monde » au Château des Milandes et écrit plusieurs ouvrages dont « Mon Sang dans tes veines », réflexion sur l’injustice de la discrimination raciale.
Epouse et mère généreuse
Joséphine et Jo Bouillon avaient ce même idéal de fonder un « Village du Monde, Capitale de la Fraternité universelle » afin de montrer au monde entier que des enfants de nationalités et de religions différentes pouvaient vivre ensemble dans la paix.
L’amour de Joséphine Baker pour les enfants en général était inébranlable, à tel point qu’au retour de ses tournées, elle n’hésitait pas à ramener dans son paradis des Milandes un enfant en manque d’amour ou dans le besoin.
Qui aurait pu le lui refuser ? Tous ses enfants furent adoptés à partir de 1955.
Au départ, ils furent 6 puis 8 et enfin 12 enfants de nationalités et de religions différentes. Il y eut : Akio, Coréen ; Janot, Japonais ; Jari, Finlandais ; Luis, Colombien ; Marianne et Brahim d’Afrique du Nord, Moïse, Français et d’origine Juive ; Jean-Claude et Noël, Français ; Koffi de Côte d’Ivoire ; Mara, Vénézuélien et Stellina, Marocaine.
Tous ses enfants formaient la « Tribu Arc en Ciel », unis pour le pire comme pour le meilleur.
Car au départ, il s’agissait surtout du meilleur : chaque enfant était entouré et choyé par une nurse, habillés comme des petits anges, vivant dans un château où régnait luxe, calme et amour !
Akio se souvient de Noëls magiques, le château était même trop petit pour accueillir tous les amis et tous les cadeaux ; l’arbre de Noël était gigantesque dans le grand salon.
Joséphine créa le ramassage scolaire pour ses enfants et ceux du voisinage. Ils allaient à l’Ecole de Castelnaud mais au château un précepteur leur enseignait également la culture de leur pays.
Les années 50 furent très joyeuses pour toute la tribu qui profitait d’un père et d’une mère attentionnés.
Jo Bouillon sera chargé de la gestion du fabuleux complexe touristique des Milandes et s’attachera à freiner l’ambition démentielle de la star.
Malheureusement, les prémices d’une faillite prévisible mirent fin au bonheur. Trop généreuse et certainement très naïve, Joséphine ne parvient pas à gérer ses entreprises.
Au-delà d’une apparente tendance à la dépense, due un train de vie fastueux, Joséphine fut abusée par grand nombre d’artisans peu scrupuleux à lui faire payer plusieurs fois les mêmes factures et sa générosité sans limite la pousse vers un endettement effroyable.
Lorsque Jo Bouillon quitte les Milandes pour d’autres horizons, il laisse une Joséphine criblée de dettes mais toujours déterminée dans la poursuite de son Village du Monde !
Une fin tragique mais une âme glorieuse
En 1968, une nouvelle fois le Château est mis en adjudication et sera vendu une misère. Joséphine est en tournée lorsqu’elle apprend que le nouveau propriétaire a investi les lieux. Elle décide alors de faire le siège du Château et se barricade dans la cuisine.
Malheureusement, les hommes de main du nouveau propriétaire n’auront aucun scrupule à la mettre dehors. Affaiblie et choquée elle est transportée à l’hôpital de Périgueux.
Cet épisode tragique aura marqué l’artiste qui déclare que la France l’a délaissée !
A 62 ans elle s’installe à RoqueBrune sur la Côte d’Azur aidée par la Princesse Grâce de Monaco.
Pour rembourser ses dettes, Joséphine remonte sur scène. En 1974, pour ses 50 ans de carrière André Levasseur lui offre le Sporting Club de Monaco.
Le spectacle du Bal de la Croix Rouge, qui est organisé pour la principauté de Monaco, permettra à Joséphine Baker de redevenir une star.
Cette revue sera montée au théâtre de Bobino à Paris et fut un triomphe ! Elle retraçait toute la carrière de l’artiste, les épisodes heureux et malheureux.
Le triomphe ne dure pas, Joséphine est épuisée.
Après quelques représentations, elle est retrouvée inanimée dans l’appartement qu’elle occupait à Paris. Transportée d’urgence à la Salpetrière, elle meurt le 12 avril 1975 des suites d’une hémorragie cérébrale à 5h30 du matin.
Ses funérailles ont lieu à la Madeleine le 15 avril 1975, elle sera inhumée à Monaco. La Princesse Grâce de Monaco organisera un caveau pour son inhumation le 2 octobre 1975.
En 1975, l’aîné des Bouillon a 21 ans ; certains des enfants décident de rejoindre leur père en Argentine, les autres restent à Paris et partagent un appartement avec la nièce de Jo Bouillon.
Aujourd’hui treize ans après le décès de Moïse, les enfants reviennent parfois aux Milandes avec toujours ce souvenir impérissable de leur mère.
2021 : Joséphine Baker entre au Panthéon !
L’inscription : « Aux grands hommes (et aux grandes femmes) la patrie reconnaissante ! » fait écho à ses nombreux engagements, que ce soit dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale ou dans sa lutte contre le racisme.
Joséphine Baker disait : « Tous les hommes n’ont pas la même couleur, le même langage, ni les mêmes mœurs, mais ils ont le même cœur, le même sang, le même besoin d’amour ». Cette phrase traduit à elle-seule les engagements et les valeurs de l’artiste qui, toute sa vie, s’est battue pour l’universalisme, la différence, la liberté de chacun quelle que soit sa couleur de peau ou ses origines.
Dévouée à sa cause, elle a su se faire entendre de tous, sans rechercher nulle récompense ou gloire. Elle a aimé la France, ce pays qui l’a adoptée et qui maintenant la remercie pour ses actes de bravoure et son combat universel !
Joséphine Baker s’est toujours battue POUR quelque chose et non CONTRE quelque chose. Nous sommes heureux de perpétuer ses valeurs, de les transmettre aux nouvelles générations qui pourront continuer son combat.
Sa célèbre chanson « J’ai deux Amours : mon Pays et Paris » résonne dans les esprits de chacun car elle traduit tout l’amour porté par Joséphine Baker pour la France. Mais en voyant le cénotaphe se diriger vers le Panthéon, porté par des militaires de l’Armée de l’air, on pense à la chanson « Me revoilà Paris » où l’artiste ne revient pas qu’avec « ses musiques et ses danses » mais avec « son amour, sa compréhension et sa tolérance ! » comme le dit sa fille Marianne.
Le cénotaphe contient les terres des lieux qui ont une résonance symbolique pour Joséphine Baker, à savoir Saint-Louis aux États-Unis où elle est née, Paris (l’un de ses deux amours !), les Milandes (où elle a vécu 30 ans) et Monaco où elle a terminé ses jours.
Une partie du discours du Président Emmanuel Macron :
Joséphine Baker,
Vous entrez dans notre Panthéon où s’engouffre avec vous un vent de fantaisie et d’audace. Oui, pour la première fois ici, c’est une certaine idée de la liberté, de la fête, qui entre aussi.
Vous entrez dans notre Panthéon parce que vous avez aimé la France, parce que vous lui avez montré un chemin qui était le sien véritable mais dont elle doutait pourtant.
Vous entrez dans notre Panthéon parce que, née américaine, il n’y a pas plus française que vous.
Et alors qu’à la fin de votre carrière, adaptant les paroles de votre plus grand succès, vous clamiez : « Mon pays, c’est Paris »,
Chacun de nous ce soir murmure ce refrain, sonnant comme un hymne à l’amour : « Ma France, c’est Joséphine ».